Le lin : culture de la plante, graines de lin et industrie textile
Avec le retour du printemps, la forêt s’éveille doucement, comme une vieille amie qui sort d’un long sommeil, comme une invitation à la promenade...
À Manosque, nous avons réuni les bénévoles nationaux Malakoff Humanis, engagés dans l’accompagnement et l’aide au répit des aidants familiaux...
« À chaque visite, je repars avec le cœur plus léger. » C'est ainsi que Marie, bénévole depuis 3 ans, décrit son expérience auprès des résidents...
Le lin (Linum usitatissimum) est une plante écologique unique, utilisée par l’humanité depuis l’Antiquité pour confectionner différentes étoffes. Extraite de la tige, la fibre de lin possède des propriétés remarquables, notamment une durabilité et une esthétique exceptionnelles. La maille de lin est un symbole d’élégance, prisé par les créateurs et les grandes maisons de mode. L’empreinte écologique réduite de cette fibre végétale – comparée à celle du coton – en fait un produit de choix pour les amateurs de vêtements élégants et durables, soucieux de préserver l’environnement. Selon Colette, « Il y a du lin dans les draps d’autrefois, du lin doux et un peu rude, qui sentait bon la lessive, le vent, le soleil… ».
Avec sa tige élancée et ses fleurs bleu-lavande tirant sur le mauve, le lin fut l’une des premières plantes cultivées par l’homme pour l'exploitation de ses fibres. On a découvert des résidus de fils de lin datant de plus de 36 000 ans dans des grottes situées en Géorgie. Durant l’Antiquité, le lin connut ses premières lettres de noblesse, les Égyptiens le vénérant au point de l’appeler « tissu de lumière ». La fibre de lin offrit aux prêtres des vêtements purs, symbolisant l’incorruptibilité. Les momies égyptiennes furent souvent enveloppées de longues bandelettes de lin, d’une exceptionnelle finesse. Cultivé dans la vallée du Nil, le lin égyptien était réputé pour sa qualité. Il constitua un élément essentiel dans les rituels funéraires et fut souvent offert en offrande.
Les Gaulois commencèrent à le cultiver plus de mille ans avant notre ère afin de produire des cordages, des filets ainsi que des vêtements solides et confortables. On trouve d’ailleurs dans la toponymie de nombreuses régions françaises des noms de lieux évoquant cette tradition ancienne, à l’instar de Linhères dans la Somme et de La Linardière en Vendée, le suffixe -ardière désignant une terre ou une culture.
Le lin apparaît plusieurs fois dans la Bible, notamment dans le Livre de l’Exode, où les vêtements des prêtres et les tentures du sanctuaire sont faits de lin fin. « Ils firent les habits sacrés pour Aaron […] ils firent le manteau d’éphod d’étoffe violette, bleue et rouge, tissée de lin fin. ». – Exode 39,1-2.
Au Moyen Âge, le lin fut aussi très présent. Le travail de la fibre ainsi que les techniques de filage connurent d’immenses progrès. Le précieux savoir-faire acquis au fil du temps fut transmis de génération en génération. Les draps de lin devinrent un élément de base du trousseau des jeunes mariées et les linges d’autel furent presque toujours confectionnés en toile de lin. « On peignait le lin, on le filait, on le tissait ; c’était l’œuvre des femmes, un art patient, transmis des mères aux filles, que bénissait la lumière du printemps. ». – texte inspiré des livres d’heures.
Dès le XVIIe siècle, la France devint un haut lieu de la culture du lin, certaines régions comme la Normandie, la Picardie ou la Bretagne devenant célèbres pour la finesse de leur production. Le lin normand, notamment, jouissait d’une excellente réputation, et la toile de lin française fut exportée à travers l’Europe. La filière lin s’organisa progressivement autour de petites exploitations familiales et de tissages artisanaux. Mais, à la fin du siècle dernier, le coton et les matières synthétiques opposèrent au lin une concurrence farouche, notamment en termes de coûts de production. Tel le roseau de la fable, après avoir plié sous le joug de la mondialisation, le lin reprit peu à peu une place singulière dans le milieu de la mode ainsi que dans l'industrie textile, notamment pour ce qui concerne la production de linge de qualité.
La France est aujourd’hui le premier producteur mondial de lin textile. Entièrement biodégradable et nécessitant peu de d’intrants chimiques pour sa culture, le lin fournit des fibres qui permettent de confectionner de nombreux vêtements, élégants et confortables : pantalons, chemises, vestes, robes et jupes d’été, sans oublier le linge de maison ainsi que des bavoirs et des doudous pour bébés.
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Un agriculteur souhaitant cultiver du lin devra s'armer de patience puisqu’il lui faudra attendre sept ans avant de pouvoir livrer ses premiers clients. Un hectare d’un bon terroir, exploité sous un climat relativement humide et sans excès de chaleur, lui permettra de produire environ 3 375 T-shirts !
Contrairement au coton qui a besoin d’être irrigué avec de grandes quantités d’eau douce, le lin est respectueux de l’environnement, se contentant, en général, d’une irrigation naturelle par les eaux de pluie. Une culture bien menée peut rapporter jusqu’à 10 000 € par hectare à son exploitant, un rendement qui rivalise avec celui de certaines activités agricoles prestigieuses, comme le raisin de champagne.
Pour obtenir 1 kg de coton, il faut utiliser entre 15 000 et 25 000 litres d’eau, 2 kg de produits chimiques et 75 g de pesticides. Pour le lin en revanche, l'eau de pluie suffit la plupart du temps à l'arrosage des cultures et aucun pesticide n'est nécessaire.
Arrivé à maturation, le lin change de couleur comme pour signaler au cultivateur qu’il est temps de procéder à l'arrachage. Fraîchement battu, le champ de lin exhale une odeur végétale unique, à la fois douce et verte, qui rappelle l’herbe fraîchement coupée. Dans certaines régions de Normandie, les anciens affirment que c’est « l’odeur du travail bien fait ». Étalées sur le sol, les tiges de lin sèchent au soleil avant d’être rouies. Le rouissage est un procédé naturel de macération qui permet à la fibre de faciliter l'élimination du ciment naturel de la plante, sous l’action combinée de l’humidité et de la chaleur. Des actions mécaniques – broyage, peignage et battage – permettent de récolter les différents produits de la plante : graine, paille, fibre courte et fibre longue.
L'extraction de la fibre débute par le teillage qui consiste à enlever la partie boiseuse du lin. Les brins sont alors passés dans un broyeur mécanique, puis battus à l’aide d’une machine équipée de pales en bois, tournant à grande vitesse. Les liasses prennent l’allure du crin de cheval. Plus on les travaille, plus la fibre est fine et homogène. Froisser une toile de lin entre les doigts, c’est ressentir une fraîcheur sèche et nerveuse, un toucher franc et vivant. Loin de la mollesse du coton, le lin respire et semble vivant. Il craque un peu et glisse beaucoup.
Panneaux agglomérés, litières pour animaux, huiles pour meubles, matériaux composites… le lin est une culture « zéro déchet ». La fibre longue est la matière la plus noble issue de la culture de la plante. La qualité du fil se mesure par sa résistance, sa finesse, sa couleur équilibrée et dense ainsi que son homogénéité. Un bon fil de lin est semblable à un bon vin. Sa qualité dépend du terroir, du millésime et de l’assemblage réalisé par les artisans fileurs. La transformation de la matière première, depuis le lin teillé jusqu’à la bobine de fil, exige dix fois plus de personnel que celle du coton. Pour obtenir un bon fil, on utilise jusqu'à trente sources de rubans peignés, provenant de plusieurs parcelles, récoltées sur plusieurs années. Cet assemblage est un art maîtrisé par un petit nombre d'artisans fileurs. Les vêtements fabriqués avec un fil d'une telle qualité sont élégants et soyeux. Ils offrent un confort thermique inégalé, grâce à la capacité d’absorption de la fibre qui peut retenir jusqu’à 20% de son poids en eau.
Créée en 1778, l’entreprise familiale Safilin s’installa à Armentières dans les Flandres Occidentales françaises, au cœur de la culture du lin. Elle ouvrit sa première usine de filature et de tissage en 1860, pour devenir, en 1922, le plus grand linier d’Europe. Dès le milieu des années 1990, le développement d'une industrie textile mondialisée et l’arrivée en masse de produits chinois mirent le travail artisanal de cette firme à rude épreuve. Pour survivre, Safilin fut contrainte de déporter sa production en Pologne en 1995.
L'opiniâtreté de ses dirigeants, combinée à l'émergence d'une consommation éco-responsable lui permit de revenir en France en 2022, avec l’ouverture d’une nouvelle filature située à Béthune, dans les Hauts de France, qui produit chaque minute plus de 200 km de fil. Cette production est principalement exploitée en Europe, en Inde et en Chine, cette dernière représentant à elle seule 80% des ventes.
Tandis que Safilin incarne l’héritage industriel du lin, une nouvelle génération d’entreprises émerge pour relancer la filière.
Linfini, une jeune entreprise bretonne, a investi 13 millions d'euros pour installer une filature de lin à Pleyber-Christ, dans le Finistère. Jusqu’au milieu des années 90, la filière textile bretonne vécut des jours heureux, notamment autour de l’exploitation du lin, avant de s’effondrer sous le poids de la concurrence des fibres synthétiques et des importations chinoises. À l'heure où l'écologie et le made in France préoccupent un nombre croissants d’acheteurs, le lin suscite un regain d'intérêt, ce que les cofondateurs de Linfini, ont parfaitement compris. « Notre ambition consiste à reconquérir l’industrie du lin en France, en valorisant cette fibre écologique et en créant une filière locale durable », affirme Xavier Denis, cofondateur de l’entreprise.
Linfini a installé sa filature moderne dans une ancienne friche industrielle, sur 4 500 m2. En tout, une trentaine de personnes seront chargées de transformer les fibres de lin cultivées dans la région en bobines de fil de qualité, avec un objectif de production annuelle d’environ 900 tonnes de fil. Linfini s'inscrit dans une démarche de développement durable et de respect de l’environnement. L’entreprise souhaite contribuer au renouveau de la filière et compte réaliser un chiffre d'affaires de 18 millions d'euros d'ici 2029.
Le lin ne se limite pas à ses usages textiles. Ses graines, riches en oméga-3, sont au cœur d’une révolution silencieuse de l'industrie agroalimentaire, portée par l’association Bleu-Blanc-Cœur.
Plus de 2 français sur 3 reconnaissent aujourd’hui le logo de Bleu-Blanc-Cœur (BBC), qui caractérise une démarche agricole et alimentaire durable, fondée en 2000 par un collectif engagé. BBC vise en effet à améliorer la qualité des aliments que nous consommons, tout en protégeant l’environnement impliqué dans la production des matières premières. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, BBC s’applique à diversifier et à équilibrer l’alimentation des animaux (vaches, poulets, porcs, etc.) à l'aide de fourrages et de graines naturellement riches en oméga-3 : herbe, luzerne, lin et féverole. Plus de 7 000 agriculteurs et quelques millions de consommateurs ont rejoint la démarche, tandis que les produits labellisés BBC sont désormais disponibles dans plusieurs enseignes de grande distribution, chez des artisans, dans les rayons des épiceries ainsi que dans de nombreux restaurants.
L’association, issue d’un mouvement collectif, est pilotée par une gouvernance collaborative où toutes les composantes de la chaîne alimentaire sont représentées : agriculteurs, éleveurs, transformateurs et restaurateurs. L’idée maîtresse de la démarche consiste à privilégier une agriculture durable pour une alimentation saine, accessible à tous. Plus de 2 500 produits ont été labellisés et garantissant une qualité nutritionnelle supérieure, adossée à une réduction sensible des impacts environnementaux. Le succès fut immédiatement au rendez-vous, tant auprès des professionnels de santé que des éleveurs et des consommateurs. Soucieux de « Bien Manger », nous sommes de plus en plus nombreux à promouvoir et à soutenir l’initiative.
Bleu-Blanc-Cœur prône une alimentation animale variée et équilibrée, qui fait appel à des cultures d’intérêt nutritionnel élevé : herbe, fourrages, luzerne, graines de lin, féverole, colza et lupin. Cette agriculture responsable préserve la biodiversité dans les champs, contribue à la bonne santé des sols et favorise la rotation des cultures, tout en réduisant l’usage des intrants chimiques. L’huile de palme est strictement proscrite dans la démarche BBC, tandis que l’usage du soja importé est limité, au profit de légumineuses locales.
Cette pratique alimentaire contribue à la bonne santé des animaux dont elle renforce la résistance aux maladies. Les éleveurs constatent une réduction sensible de la quantité de médicaments nécessaires, ainsi qu’une diminution des frais vétérinaires, des bienfaits prouvés par plusieurs études scientifiques. En 2000, une étude clinique fut menée pour connaître les effets de l’utilisation du lin dans la nourriture animale sur la santé humaine. Plusieurs centaines de personnes introduisirent sans le savoir des aliments issus de cette filière : viandes, lait, œufs… L’équilibre alimentaire constaté après quelques mois fut comparable aux résultats obtenus sur des populations suivant un régime de type crétois. Bien sûr, BBC mène plus de 4 000 analyses nutritionnelles chaque année afin de veiller au respect strict de la démarche agro-écologique. Le pari vertueux de l’association semble parfaitement tenu : proposer une approche globale, de la culture à l'assiette du consommateur. Le label BBC étiquette aujourd’hui une large gamme de produits du quotidien, pour un surcoût limité à environ 5%.
• Pratiques agricoles favorables à la biodiversité
• Filière contrôlée du champ à l’assiette
• Meilleure santé animale
• Protection de la santé humaine
En marge des fibres longues, prisées par l’industrie textile, les sous-produits de la plante, nombreux et variés, sont très recherchés. C’est le cas de Batilin, une entreprise spécialisée dans la transformation du bois du lin en brique de construction, un béton végétal fait de bois de lin et de chaux. Répondant aux exigences de la réglementation environnementale RE2020, les briques de Batilin garantissent un excellent niveau de confort, en hiver comme en été. Elles préservent un taux d’humidité intérieur idéal de 55%, conservent la chaleur durant les périodes froides et ramènent de la fraîcheur au cours des journées les plus chaudes. Incroyablement résistantes au feu, des briques d’une épaisseur de 20 cm résistent aux flammes durant plus de 3 heures.
Les graines oléagineuses de lin sont particulièrement riches en acides gras polyinsaturés, le mot lin dérivant d’ailleurs de celui des acides linoléniques et linoléiques. 1 kg de graines de lins contient environ 280 g d’oméga-3. Le tableau suivant donne la teneur en oméga-3 de certains aliments (pour 100 g).
• Graines de lin : 28 g
• Huile de noix : 11,9 g
• Sardines : 2,9 g
• Maquereau : 2,1 g
• Saumon : 1,79 g
Valorex est une entreprise spécialisée dans la production de compléments alimentaires contenant des graines de lin, destinés à l’alimentation animale : vaches, poulets et porcs principalement. En 2025, un éleveur sur dix en France avait recours à ce type de compléments. Les bienfaits pour les animaux nourris de la sorte sont considérables. On constate par exemple une augmentation de 15% de la quantité de lait produite par vache, ainsi qu’une diminution sensible des frais vétérinaires, due à une meilleure santé globale des animaux concernés. Une vache produit environ 400 g de méthane par jour, ce qui correspond à une pollution annuelle comparable à celle d’une voiture parcourant 20 000 km. Le recours aux compléments alimentaires permet de réduire sensiblement cet effet indésirable nuisible à l’environnement.
Il est possible de consommer directement des graines de lin. Cependant, la mastication humaine n’est pas suffisamment efficace pour les broyer, de sorte qu'on les retrouve souvent entières dans les intestins. Il est préférable de les broyer, par exemple avec un simple moulin à poivre. On peut également consommer le lin sous forme de farine ou d’huile. Quelques artisans boulangers ont introduit jusqu’à 10% de farine de lin dans leur pâte à pain auquel la plante donne une texture moelleuse, un délicieux parfum et un goût délicat. Il est intéressant d’ajouter quelques cuillèrées d’huile de lin dans une vinaigrette pour assaisonner salades et crudités.
Le constructeur français Renault a mis au point une voiture éco-responsable, 100% électrique, composée en partie de fibres de lin. Cette élégante déclinaison de l'Alpine Renault possède une carrosserie composite en fibre de lin, des sièges et des haut-parleurs fabriqués à partir du même matériau. Le constructeur a choisi cette matière naturelle pour sa légèreté, son incroyable beauté, la sensation de confort et de cocooning qu’elle procure dans l’habitacle, ainsi que pour ses qualités acoustiques. Il est possible qu’un jour prochain nous soyons nombreux à rouler à bord d’un véhicule de ce type, alliant respect de l’environnement, éco-responsabilité, capacités accrues de recyclage, confort et élégance.
1 : c’est le rang occupé par la France dans la production mondiale de lin textile.
7 : c’est le nombre d’années qu’il faut à un agriculteur avant de pouvoir livrer ses premières récoltes de lin.
120 : c’est le pourcentage d’eau qu’un tissu de lin peut absorber par rapport à son poids, sans sensation d’humidité.
280 : c’est le nombre de grammes d'oméga-3 contenus dans 1 kg de graines de lin.
10 000 : c’est le revenu potentiel en € généré par un hectare de lin bien cultivé.